jeudi 23 juin 2011

Réforme du médicament : "le doute doit bénéficier au patient"

Huit mois après la révélation du scandale du Mediator, le ministre de la Santé Xavier Bertrand a présenté jeudi sa réforme du système du médicament. Ambition : un "changement de culture" pour éviter la réédition des dysfonctionnements qui ont conduit la France à commercialiser durant 33 ans un antidiabétique soupçonné d'avoir causé de 500 à 2.000 décès.
Alors que la piste d'un regroupement des diverses instances du système a été avancée, Xavier Bertrand opte pour la simplification et la transparence : l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) va devenir l'Agence nationale de sécurité du médicament, l'ANSM. "Je veux provoquer un changement de culture. Cela offrira beaucoup plus de garantie de réactivité et d'efficacité que la création d'une agence gigantesque du médicament en regroupant ou déplaçant les structures existantes comme dans un jeu de contruction", justifie Xavier Bertrand dans Le Monde.

Probables retraits

Cette agence conservera sa mission de pharmacovigilance - c'est-à-dire la surveillance des effets secondaires nocifs éventuels d'un médicament - et sera dotée d'un département de pharmacoépidémiologie pour les études sur les médicaments après leur mise sur le marché. Les laboratoires n'ayant pas effectué dans les délais les études obligatoires post-AMM seront sanctionnés. "Le médicament doit être suivi tout au long de sa vie et s'il faut le retirer, cela doit être fait sans que la main ne tremble", dit le ministre de la Santé. "Il faut que le principe de précaution profite au patient et pas au médicament", a-t-il ajouté sur RTL. Dans cette perspective, le ministre se prononce pour une révision de la pharmacopée - l'ensemble des médicaments en vente en France - avec de probables retraits. "Les Français consomment trop de médicaments et il y a trop de molécules sur le marché", a-t-il dit.

Des règles plus exigeantes seront de même introduites pour le remboursement des médicaments. Aucune prise en charge ne sera accordée aux molécules dont le service médical rendu est jugé insuffisant, sans avis motivé du ministre. Un numéro vert sera mis en place à l'attention des patients pour qu'ils puissent être informés des effets indésirables des molécules sur le marché. Un portail d'information sur le médicament sera créé sur internet. Les industriels auront également l'obligation d'informer les autorités du retrait d'un de leurs produits dans un autre pays. Les laboratoires Servier, fabricants du Mediator, n'étaient pas tenus d'informer les autorités françaises du non-renouvellement de l'AMM de l'antidiabétique, aux risques potentiels cardiaques avérés, en Espagne ou aux Etats-Unis.
Etudes comparatives entre médicaments
Quatre-vingt dix pour cent des autorisations de mise sur le marché sont accordées au niveau européen. Xavier Bertrand affirme que la France refusera d'admettre au remboursement au niveau national les médicaments n'ayant pas fait l'objet d'une étude comparative avec un médicament de référence, quand il existe, et non à un placebo comme c'est le cas actuellement. Pour prévenir tout conflit d'intérêts, médecins, fonctionnaires et enseignants devront remplir, sous peine de sanction, une déclaration publique d'intérêts consultable par le public. Les dirigeants de l'industrie pharmaceutique devront pour leur part déclarer toute convention passée avec les médecins, associations, sociétés savantes...

Pour faire ces propositions, le gouvernement s'est inspiré des deux rapports de l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas), du rapport de la mission d'information de l'Assemblée sur la pharmacovigilance et des conclusions des Assises du médicament. Ils soulignent tous des failles dans le système d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments.
La pneumologue Irène Frachon salue "une vraie rupture"
Peu après, la pneumologue Irène Frachon, qui a mis au jour les risques du Mediator, s'est déclarée "impressionnée", estimant qu'il y avait "une vraie rupture dans ce qu'annonce Xavier Bertrand en particulier ciblée sur la sécurité des patients, des consommateurs". "Il y a différents volets qui ont été abordés et quand j'écoute l'énoncé de ces réformes il me semble que ce que j'ai vécu dans mon enquête sur le Mediator ne pourrait plus se dérouler de cette façon-là. Donc, de mon point de vue de praticien de base, j'y vois une amélioration franche, importante de la sécurité", a-t-elle ajouté.

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