samedi 18 juin 2011

La chasse aux biocriminels

C'est une gentille boutade de gendarmes: on ne déjeune jamais sereinement en compagnie d'un collègue de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique(Oclaesp)! «Pour chaque plat, ils vous mettent en garde contre les substances dangereuses que vous risquez d'ingérer...». Vrai! Essoufflé, à peine arrivé dans leurs locaux en région parisienne, leur patron, Thierry Bourret, nous tend un verre d'eau. Un gobelet en plastique. «Méfiez-vous-en, avertit ce colonel à la sympathique moustache de hussard. En présence de boissons chaudes, certains plastiques laissent passer des résidus chimiques...».

Authentiques défenseurs de la nature

Les enquêteurs de l'Oclaesp sont d'authentiques défenseurs de la nature: lutte contre le trafic d'espèces protégées ou réglementées (voir cette récente affaire de serpents facturés jusqu'à 30.000€ pièce, expédiés dans des boîtes alimentaires en plastique par La Poste), lutte contre les pollutions aériennes, terrestres et aquatiques, contre le trafic de déchets...

Boutons d'ascenseur radioactifs

Pourquoi payer cher un recyclage ou un traitement, quand on peut simplement abandonner ses déchets toxiques? Exemple, en 2006, avec l'affaire du Probo Koala, ce navire qui avait déchargé sa cargaison toxique près d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. Résultat:15morts, des milliers d'intoxiqués et des millions d'euros de remise en état. Certains trafics sont encore plus sournois, comme la revente de produits toxiques mélangés à des produits neutres. Ainsi, en Italie, on a déjà découvert du ciment contenant de l'amiante. En France, on a trouvé du pyralène dans de l'huile de vidange utilisée pour chauffer des fours industriels ou encore des résidus médicaux radioactifs dans des boutons d'ascenseurs! En Ille-et-Vilaine, en 2008, l'Oclaesp avait épinglé une société spécialisée dans le désamiantage à des coûts très compétitifs. Et pour cause: celle-ci enfouissait, parfois dans des forêts, gravats et déchets non traités. Mais elle facturait les opérations au prix fort à ses clients. «Le chef d'entreprise a été écroué dans la foulée, se rappelle le chef de l'Oclaesp. C'était une première en France».

600 enquêteurs dans les régions

L'Oclaesp est sur tous les fronts sanitaires. C'est cet office qui enquête sur toutes les grandes affaires de santé publique: hormone de croissance, amiante, algues vertes, Mediator (dix enquêteurs à temps plein «pour sortir l'affaire dans les deux ans»)... Ce sont encore ses limiers qui traquent les charlatans (exercice illégal des professions de santé), les laboratoires clandestins, les produits dopants sur le Tour de France ou dans les salles de sport et de fitness... Un chantier titanesque (230 dossiers en cours!) que se partagent seulement 55(bientôt 64) enquêteurs! Dérisoire? Ils n'étaient que 18lorsque l'office a été créé en juin2004. «Nous sommes épaulés par nos220.000 collègues gendarmes et policiers», rappelle le colonel Bourret, qui met aussi en avant une «vraie prise de conscience». La preuve, selon lui, avec ces 600 enquêteurs actuellement formés pour traiter, dans les départements et régions, cette délinquance spécifique.

http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/france/sante-la-chasse-aux-biocriminels-04-06-2011-1324819.php

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