jeudi 15 septembre 2011

Visiteurs médicaux : de petits cadeaux aux grands effets !

Un crayon, un bloc-notes ou tout autre gadget laissé par un visiteur médical, ce n'est pas aussi anodin que ça en a l'air. Et les médecins qui ne refusent pas ce type de petit cadeau finissent par se sentir obligés envers la personne qui le leur a offert. Dans son numéro de septembre, la revue indépendante Prescrire consacre un intéressant article à ces petits riens qui changent tout. Elle prouve, études à l'appui, que ces gestes commerciaux ont une réelle influence sur ceux qui en bénéficient, le plus souvent à leur insu. Et que l'exposition à des noms de marque, surtout quand elle est répétée, finit aussi par avoir un impact dont l'industrie pharmaceutique en particulier et le marketing en général ont bien su tirer parti.

Les cadeaux ont une place fondamentale dans les relations humaines, précisent les auteurs de cette enquête. Le fait d'en accepter induit au minimum de la politesse, voire de la gratitude, mais aussi le besoin de "rendre" de la part de celui qui les reçoit. "Après avoir accepté un cadeau une première fois, accepter peut facilement devenir une habitude", selon Prescrire. "Il est en effet démontré qu'une fois que l'on a adopté une attitude, il est difficile de s'en départir parce que l'on cherche à paraître cohérent." D'ailleurs, du côté du donateur, le fait d'offrir un cadeau permet de créer un climat de proximité et de confiance. "C'est aussi ce qui permet de mettre le pied dans la porte", prévient le mensuel. Il s'agit de commencer par demander une petite faveur, en général acceptée. Une fois cette étape franchie, une faveur plus importante peut être formulée sans que la personne ose alors refuser. "Cette technique est bien connue des visiteurs médicaux et autres représentants de commerce."

Sommes importantes
Quant à la valeur du cadeau, elle intervient aussi. Accepter un gadget n'est pas socialement réprouvé, car aucune contrepartie n'est supposée être demandée en échange. "Cette banalisation des petits cadeaux les rend particulièrement efficaces, et c'est pour cela que les firmes continuent de dépenser des sommes importantes pour en offrir aux soignants", peut-on lire. Une enquête réalisée en France en 2009 auprès de 149 internes inscrits au diplôme de cardiologie indiquait que 97 % d'entre eux avaient, dans leur blouse, un élément promotionnel : stylo, réglette électrocardiogramme, guide de prescription... Et seulement 7 % de ces internes ont estimé que le jugement d'un médecin pouvait être influencé par un cadeau de moins de 5 euros.

La revue Prescrire dénonce donc une réglementation inadaptée, puisque les cadeaux dits de "valeur négligeable" ne sont pas interdits par la législation française et européenne, ni par les guides de bonne pratique américains. Par ailleurs, les liens d'intérêts sont considérés comme "mineurs" quand ils sont inférieurs à 5 000 euros ou à 5 % du capital d'une entreprise qui fabrique ou commercialise un médicament. En pratique, et fidèles à leur tradition d'indépendance, les auteurs de Prescrire conseillent donc de suivre l'exemple de certaines universités, comme celle de Stanford aux États-Unis, qui ont décidé d'interdire aux professionnels de santé de recevoir un cadeau, quelle que soit sa valeur.
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/anne-jeanblanc/visiteurs-medicaux-de-petits-cadeaux-aux-grands-effets-02-09-2011-1369301_57.php

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