Il existe un déterminisme génétique pour les maladies les plus fréquentes que l'on observe essentiellement dans les pays industrialisés - l'hypertension artérielle, le diabète, l'obésité, l'excès de graisse dans le sang et leurs conséquences, l'infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux, ainsi que les cancers. C'est pourquoi de très nombreuses équipes de recherche se sont lancées dans la "chasse" aux gènes de susceptibilité. Un consortium international, spécialisé dans les maladies cardio-vasculaires et composé d'équipes de plus de vingt pays, vient de publier les résultats de deux études sur l'hypertension artérielle dans la revue Nature. L'un des auteurs, Pierre Meneton, chercheur à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à Paris, commente ces travaux.
Le Point.fr : Les maladies cardio-vasculaires ne sont-elles pas avant tout causées par notre mode de vie ?
Pierre Meneton : C'est plus compliqué que cela, car à mode de vie, d'alimentation et exposition à des polluants identiques, certaines personnes vont développer ces maladies, et d'autres non. Qui plus est, certains individus seront touchés très tôt dans la vie et d'autres très tardivement. Il y a donc une interaction entre les facteurs environnementaux et le patrimoine génétique de chacun. Et nous cherchons à mieux identifier les déterminants génétiques impliqués dans cette interaction.
Quelles étaient les difficultés propres à cette recherche ?
Tout d'abord, il faut disposer de très grandes populations pour obtenir un résultat significatif. C'est bien plus complexe que pour les maladies ayant un déterminisme très fort, qui sont rares, où l'étude d'un petit nombre de cas peut suffire à identifier le gène en cause. Pour ce travail, qui a porté sur l'hypertension artérielle et les maladies cardio-vasculaires, le patrimoine génétique de 200 000 personnes a été analysé. Un nombre aussi important est indispensable, car aucun gène en particulier n'a d'effet majeur sur le développement de ces pathologies. C'est la combinaison d'un grand nombre de gènes ayant chacun des effets faibles qui explique la variation de la pression artérielle, du taux de cholestérol dans le sang ou de la glycémie...
Les résultats sont-ils probants ?
Ce travail nous a permis d'identifier une trentaine de gènes impliqués dans la régulation de la pression artérielle, ceux ayant les effets les plus forts. Pourtant, l'ensemble de ces gènes explique moins de 10 % des différences de pression observées d'un individu à un autre dans la population. Il reste donc à comprendre plus de 90 % des différences interindividuelles. En d'autres termes, c'est plusieurs centaines à plusieurs milliers de gènes qui sont impliqués dans le développement de l'hypertension, chacun ayant un effet minuscule sur la maladie. C'est la combinaison de l'ensemble de ces gènes, en interaction avec l'environnement, qui explique l'apparition de la pathologie.
Cela implique-t-il que la recherche des gènes de susceptibilité, à titre préventif, n'a aucun intérêt dans le cas de ces pathologies ?
En effet. L'approche génétique est simpliste et naïve, encore plus irréalisable sur une population vaste. D'après nos résultats, il semble vain de penser que l'on pourra, même dans un avenir lointain, établir avec précision la prédisposition d'un individu aux maladies cardio-vasculaires ou au cancer. De même, il ne faut pas attendre de miracles de la thérapie génique dans ce domaine. On continuera donc encore, au moins pendant un certain temps, à proposer des traitements symptomatiques assez grossiers. Même si des travaux comme les nôtres permettent de mieux comprendre les interactions existant au point de départ de ces maladies, il faudra beaucoup de temps pour les applications pratiques. En attendant, il reste les facteurs d'environnement qui sont, eux, potentiellement modifiables, à condition de le vouloir...
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/anne-jeanblanc/maladies-cardio-vasculaires-un-depistage-genetique-illusoire-15-09-2011-1373674_57.php
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