mercredi 14 septembre 2011

La maigreur extrême est génétique

J'ai toujours rêvé de travailler sur la maigreur pour comprendre l'obésité." C'est en ces termes que le professeur Philippe Froguel, qui dirige le laboratoire Génomique et maladies métaboliques (CNRS/université Lille 2/Institut Pasteur de Lille) et l'Imperial College, commente la découverte de la première cause génétique de l'extrême maigreur. Le résultat d'une collaboration internationale menée par ce Français avec l'équipe suisse de Jacques Beckmann, de l'université de Lausanne. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature de mercredi.
Ces chercheurs ont étudié une région située sur le bras court du chromosome 16, connue comme étant parfois sujette à des fluctuations du nombre de copies de ses gènes. Si la grande majorité des individus ont deux exemplaires de chaque gène de cette région, l'un transmis par la mère et l'autre par le père, environ une personne sur 2 500 n'en a qu'une seule copie et une sur 2 000 est dotée de trois copies. L'équipe avait découvert, en 2010, que le fait de n'avoir qu'une copie de ce fragment du chromosome 16 pouvait expliquer 1 % des obésités sévères. Aujourd'hui, elle montre que la duplication d'une région du chromosome 16 entraîne une grande maigreur chez les personnes porteuses de cette mutation génétique. Ce travail prouve que si certains gènes d'une même région sont présents en excès (trois copies) ou de manière carencée (une seule copie), cela peut conduire par un "effet miroir" à des conséquences pathologiques inverses, ici le sous-poids ou l'obésité.

Anomalie génétique
Par exemple, les adultes ayant cette triple copie de la partie concernée du chromosome 16 ont jusqu'à vingt fois plus de risque d'être en sous-poids (défini par un indice de masse corporelle - la masse divisée par la taille au carré - inférieur à 18,5) que la population générale. Les chercheurs pensent que les gènes en excès de cette région augmentent la sensation de satiété. Ainsi, chez les enfants, la moitié des porteurs de cette duplication sont en sous-poids et ont beaucoup de mal à s'alimenter. "Les conséquences sont très importantes", s'enthousiasme Philippe Froguel. "Quand on voit des gens très maigres, on pense toujours qu'ils sont malades (cancer, alcoolisme, sida, tuberculose) ou qu'ils souffrent d'anorexie mentale. On fait un bilan général et, si on ne trouve rien, on les envoie chez le psychiatre. Et quand le sous-poids concerne des enfants, les services sociaux peuvent accuser les parents de maltraitance. Avec nos travaux, au moins, on pourra expliquer pourquoi certaines personnes n'ont pas d'appétit."

C'est la première fois qu'une cause génétique de la maigreur pathologique est identifiée. Les scientifiques, qui ont recherché la mutation "3 copies" du chromosome 16 chez 100 000 personnes, ont identifié 138 porteurs de la mutation. Dans un tiers des cas, cette dernière était spontanée (absente chez les parents), dans les deux tiers restants, elle était héréditaire. La prochaine étape consistera à déterminer lequel de ces gènes est responsable de cet effet sur l'appétit et le poids. "Maintenant que l'on a identifié une cause permettant d'expliquer pourquoi certaines personnes ne grossissent pas, on pourra pratiquer un test très simple et peu onéreux pour identifier celles qui sont porteuses de cette anomalie génétique", conclut le professeur Froguel. Elles auront alors tout intérêt à consulter un nutritionniste pour les aider à choisir les aliments les plus énergétiques.
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/anne-jeanblanc/la-maigreur-extreme-est-genetique-01-09-2011-1368886_57.php

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