C'est un mal peu connu au nom imprononçable, et pourtant plus répandu qu'il n'y paraît : l'anosognosie, dont souffrirait Jacques Chirac, selon le Journal du Dimanche qui s'est procuré le rapport médical concernant l'ancien chef de l'Etat, est un trouble neuropsychologique caractérisé par l'incapacité du patient à reconnaître la gravité de son état. En gros, ceux qui en sont atteints ne se voient nullement comme malades, et ce, même si leur état est considéré comme grave par les médecins et par leur entourage. Sur le plan étymologique, ce terme barbare provient des mots grecs "nosos" ("maladie") et "gnosis" ("connaissance"). Sur le plan médical, l'anosognosie reste énigmatique, mais on lui attribue plusieurs origines possibles.
Elle peut se rencontrer après un accident vasculaire entraînant une interruption de l'irrigation sanguine du cerveau. Auquel cas elle se manifeste de façon brutale et parfois spectaculaire : certains patients atteints, par exemple, d'héminégligence gauche négligeront dès lors toutes les parties gauches des objets ou de leur propre corps, allant jusqu'à se cogner régulièrement l'épaule gauche contre les portes ou ne chausser que leur pied droit, sans pour autant s'apercevoir de quoi que ce soit d'anormal.
L'âge, facteur aggravant
L'anosognosie peut aussi survenir de manière progressive. Plusieurs années après un accident vasculaire cérébral - Jacques Chirac avait été hospitalisé pour un AVC en 2005 - peuvent ainsi apparaître des troubles de mémoire ou des anomalies dans d'autres régions du cerveau, concernant par exemple le langage. Après un premier AVC important, un patient peut "récidiver à bas bruit", avec "de petits AVC qui passent inaperçus sur le plan clinique" mais qui peuvent à long terme entraîner "une anomalie cognitive importante", explique le Pr Françoise Forette, spécialiste de gériatrie qui dirige la Fondation nationale de gérontologie.
Certaines zones du cerveau manquent d'oxygène de façon répétée lors d'une telle succession de petits accidents de la circulation sanguine. Il peut en résulter une "démence vasculaire", maladie qui représente 30% de toutes les démences. Selon les zones du cerveau touchées, cela peut entraîner des pertes de mémoire, affecter le langage ou plus globalement les fonctions cognitives, autrement dit les capacités de raisonnement.
L'âge entre aussi en jeu : la capacité de régénération du cerveau, c'est-à-dire sa plasticité, diminue en vieillissant. Les structures qui avaient pris le relais après un AVC peuvent ne plus être capables de le faire, note le Pr Yves Dauvilliers, neurologue au CHU de Montpellier. Les lésions dues à un AVC ou une démence vasculaire peuvent, enfin, coexister avec une maladie neurodégénérative. Si la maladie d'Alzheimer, que le grand public associe généralement aux problèmes de mémoire, est la plus fréquente, il existe au moins "une demi-douzaine" de maladies neurodégénératives, note ainsi le Pr Forette.
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