A Montpellier, une équipe de l’Institut de génomique fonctionnelle est parvenue "à franchir la barrière de l’âge en rajeunissant des cellules humaines centenaires". Sa découverte est à ce point importante qu’elle a été publiée hier soir dans le dernier numéro de la revue américaine Genes & Development.
Transgénèse
La technique utilisée relève de la transgénèse, autrement dit de la manipulation génétique. En 2007, une équipe japonaise avait montré que l’on pouvait reprogrammer une cellule adulte en cellule souche embryonnaire, donc jeune. Pour aboutir à ce résultat, cette équipe japonaise avaient introduit quatre gènes dans le génome de la cellule traitée.
L’équipe emmenée par Jean-Marc Lemaitre est allée plus loin, en ajoutant deux gènes de plus, humains eux aussi, aux quatre implantés par l’équipe japonaise. Et ces deux gènes supplémentaires ont eu pour effet de remettre à zéro l’horloge du temps d’une cellule sénescente, donc incapable de se dupliquer. Bref, avec une vieille cellule, d’en faire une cellule souche embryonnaire.
Pour autant, l’équipe montpelliéraine n’a pas aussitôt crié victoire. Elle a, avant toute chose, cherché à vérifier que ces cellules humaines rajeunies allaient bel et bien se comporter comme les cellules souches embryonnaires non modifiées, les vraies.
"L’usure du temps a été effacée"Jean-Marc Lemaitre
Le défi a été relevé. Aucune d’elles n’a présenté le moindre dysfonctionnement : elles ont toutes évolué de manière identique à des cellules jeunes aux premiers jours de la vie, avec une capacité de prolifération accrue. "L’usure du temps a été effacée", résume Jean-Marc Lemaitre.
Le vieillissement se caractérise en effet par une augmentation des cellules sénescentes, à quoi s’ajoute la réduction du nombre de cellules souches dans le corps. Cela limite, au fil des années, la capacité que l’organisme a à régéréner à l’identique ses tissus et organes (lire ci-dessous). "J’avais l’intuition que le mécanisme du vieillissement cellulaire n’était pas irréversible. Nous en avons fait la démonstration", observe le chercheur. La découverte montpelliéraine constitue une avancée scientifique capitale.
Pistes nouvelles dans le traitement des maladies
Car, au-delà des grands débats moraux et philosophiques qu’elle va susciter, elle ouvre des perspectives totalement nouvelles dans le traitement de maladies. "Cela ouvre un monde nouveau, tant en matière de médecine régénérative que de thérapie cellulaire. On peut aussi imaginer de pouvoir gommer les maladies liées à la vieillesse", ajoute Jean-Marc Lemaitre. Cette découverte permettra aussi à son équipe d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes du vieillissement.
Le mécanisme du vieillissement des cellules
Les cellules vieillissent en subissant tout simplement des agressions externes et des stress infligés à l’organisme. Au fil du temps, elles gèrent de plus en plus mal leur prolifération, le processus grâce auquel elles se renouvellent.
L’usure augmentant, elles deviennent de moins en moins tolérantes au stress. Le génome que chacune renferme
peut en souffrir. Au bout du processus, des cellules peuvent même perdre leur capacité à proliférer. C’est la sénescence. L’organisme vieillit.
Voilà pourquoi les scientifiques se concentrent sur les cellules souches embryonnaires. Ces cellules jeunes ont une capacité infinie à proliférer. Mais la formation de l’organisme se faisant, ces cellules souches finissent par se différencier, en se transformant au final en l’un des 220 types de cellules du corps humain : cellules osseuse, cérébrale... qui enclenche, elles, le vieillissement.
L’équipe montpelliéraine a ainsi réussi à reprogrammer ces vieilles cellules en cellules souches embryonnaires, toutes neuves. Miracle de la science.
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