mardi 15 novembre 2011

Antibiotiques : des médicaments en péril

En Europe, les staphylocoques résistants à la méticilline - antibiotique de référence en la matière - et les E. coli résistants aux céphalosporines de troisième génération sont responsables de plus de 8 000 décès et de plus de 375 000 journées d'hospitalisation par an. Selon une étude de l'Institut néerlandais de la santé publique et de l'environnement, ces deux agents résistants pourraient provoquer 17 000 décès en 2015 en Europe. Les antibiotiques sont donc victimes de leur succès. Leur prescription pas toujours à bon escient a permis aux bactéries de développer progressivement des résistances et de reconquérir une partie du terrain perdu.
Les auteurs de ce travail, publié dans PLoS Medicine, ont voulu quantifier l'impact de la résistance aux antibiotiques des deux bactéries qui posent actuellement le plus de problèmes. Ils ont utilisé les données du Système européen de surveillance de la résistance aux antibiotiques, complétées par des données nationales. Résultat : en 2007, des staphyloques dorés résistants à la méticilline (SARM) ont été retrouvés dans le sang de 27 700 malades en Europe et ont coûté 44 millions d'euros. Concernant les E. coli résistants aux céphalosporines de troisième génération, il y a eu 15 200 malades, pour un coût de 18,1 millions d'euros.
Recrudescence
Globalement, en Europe, l'incidence des infections à staphylocoque doré a progressé au cours des dix dernières années. La proportion de souches résistantes a, elle, augmenté entre 2001 et 2005 pour atteindre 22,6 %, mais elle est redescendue à 18 % en 2009. Au contraire, pour E. coli, l'incidence des infections et la proportion de bactéries résistantes ont augmenté. En France, l'incidence des SARM était l'une des plus élevées et celle des E. coli résistants, au contraire, l'une des plus faibles.
Il faut savoir que, dans notre pays, plus de 80 % de ces traitements sont prescrits par des médecins libéraux. Or la surveillance des résistances en ville laisse à désirer. Pour preuve, le rapport très récemment mis en ligne par l'InVS (Institut national de veille sanitaire) qui témoigne de l'échec de Labville, un projet mis en place en 2000 pour surveiller, en continu, de manière automatisée, la résistance aux antibiotiques des infections les plus fréquentes en ville (infections urinaires, infections pulmonaires hautes et basses, infections ORL) dans 69 laboratoires privés de ville représentatifs en France métropolitaine.
Pédagogie
L'InVS regrette que ce projet "particulièrement ambitieux", qui a coûté plus de 320 000 euros, ait dû être arrêté fin 2009 en raison de difficultés, notamment techniques. Pour la surveillance de l'antibiorésistance en ville, il se tourne désormais vers des solutions "plus pragmatiques". La première serait de conduire des études ponctuelles, ciblées sur une problématique précise et pouvant être répétées si besoin. La seconde consisterait à inciter les centres nationaux de référence concernés à recueillir les souches pour produire des indicateurs propres à la ville.
En attendant, l'Assurance Maladie vient de relancer sa campagne "Les antibiotiques, utilisés à tort, ils deviendront moins forts". Avec, cette année, un double objectif : favoriser la mémorisation de ce slogan et développer la pédagogie sur le bon usage de ces médicaments et le phénomène de résistance bactérienne. L'idée est de faire prendre conscience notamment aux adultes, parents de jeunes enfants, que les comportements individuels d'aujourd'hui peuvent avoir des conséquences sur la santé de tous demain...
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/anne-jeanblanc/antibiotiques-des-medicaments-en-peril-02-11-2011-1391860_57.php

Aucun commentaire: