Laurent Fignon, double vainqueur du Tour de France (1983 et 1984), a été emporté par un cancer il y a trois ans. Son épouse raconte quinze mois de souffrances. Et s'interroge sur les relations entre malades et médecins.
Un simple coup de fil alors qu'il est au volant. Voilà comment la vie de Laurent Fignon bascule. On lui apprend le résultat de ses examens. Pour Valérie, son épouse, c'est le début d'un dialogue difficile avec le corps médical.
Elle ne comprend pas qu'une telle nouvelle soit annoncée avec autant de légèreté. Elle ne comprendra pas, non plus, les batteries d'examens qui n'en diront pas plus sur le cancer de l'ancien champion cycliste. Elle n'imagine pas que les spécialistes restent impuissants. Surtout que s'appeler Fignon ouvre des portes.
Pas formés à l'annonce
La colère est souvent présente dans les pages de son livre, sobrement intitulé Laurent. Pour autant, Valérie Fignon a aussi choisi de dialoguer. Avec Michel Cymes, le médecin pédagogue, habitué des plateaux de télévision. À elle les questions. À lui les réponses.
L'annonce de la maladie ? Le médecin ne peut que partager l'incompréhension de Valérie. « Que Laurent Fignon ait été informé de son cancer alors qu'il filait sur l'autoroute frôle l'homicide involontaire », s'insurge-t-il. Michel Cymes le reconnaît: les médecins ne sont pas vraiment formés à annoncer les pires nouvelles. Et lui, comment fait-il ? « Un drôle de numéro d'équilibriste : il faut jongler avec l'anxiété, la nécessité d'apaiser, le besoin d'obtenir la collaboration du malade. »
Temps médical
Le mal dont souffre l'ancien champion gagne du terrain. Mais de quelle forme de cancer souffre-t-il ? Il attendra neuf mois avant d'avoir une réponse. C'est un cancer des poumons, lui qui ne fume pas. Valérie est submergée par l'incompréhension. Michel Cymes reprend la plume : « Je comprends la colère de Valérie. Le patient voudrait voir le médecin tous les jours, avoir son scanner quotidien. Le médecin, lui, obéit au temps médical. Il a appris qu'une tumeur peut mettre des semaines à apparaître. »
L'épouse du champion n'élude pas la question du dopage. Laurent Fignon avait reconnu l'usage occasionnel d'amphétamines et de cortisone. Mais jamais les lourdes préparations à la fameuse EPO. Pour Michel Cymes, les produits utilisés n'ont pas pu être à l'origine de son cancer. Fignon s'en est allé le 31 août 2010. Au moment de quitter l'hôpital, Valérie retourne dans la chambre pour s'assurer n'avoir rien oublié. Elle est abasourdie. La pièce a déjà été nettoyée et le lit refait. « La négation de toutes les peines endurées depuis des mois. Ultime violence », lâche-t-elle.
Laurent, de Valérie Fignon, avec Michel Cymes et Patrice Romedenne, Grasset, 267 pages, 19 euros.
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