jeudi 29 mars 2012

Cancer : attention aux vendeurs d'espoir

Cure du jus de citron, absorption de sa propre urine, injections de bicarbonate de soude, exploration des conflits familiaux non résolus de son arbre généalogique... A côté de la médecine conventionnelle, existent des médecines parallèles, également appelées méthodes non prouvées. Si celles-ci ont toujours existé, elles semblent inquiéter davantage aujourd'hui en raison de possibles déviances, allant de la simple arnaque à l'emprise mentale sur les malades.
Dans un de ses récents rapports, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a identifié "la nouvelle médecine allemande" comme l'une de ces déviances. Inspirée par le Dr Hamer, elle développe une thèse selon laquelle toutes les maladies, y compris les plus graves comme le cancer, viennent de "conflits psychologiques non résolus" qu'il suffit de "décrypter" pour parvenir à la guérison.
Bien que le fondateur de cette théorie et certains de ses disciples aient été condamnés en France, en Allemagne et en Autriche, un réseau de "thérapeutes" autoproclamés continue de se développer sur ces fondements, y compris au sein de l'hexagone. On estime que "la méthode Hamer" aurait fait à ce jour 500 victimes en Europe. Si quelques procès intentés par les familles commencent à voir le jour, de manière générale les plaintes sont rares parce qu'apporter des preuves demeure difficile.
Des indices qui ne trompent pas
Selon la Miviludes, les malades du cancer se présentent comme des proies idéales pour les organisations à caractère sectaire. "Toute personne à qui on annonce qu'elle est attainte du cancer, se trouve dans un état de très grande vulnérabilité. Chacun est susceptible d'être démarché, et de se laisser tenter par telle ou telle méthode", explique le Professeur Philippe Jean Parquet, psychiatre, membre du conseil d'orientation de la Miviludes. "Certaines personnes sont par nature plus sensibles antérieurement que d'autres à ces propositions".
Contre toute idée reçue, ce ne sont pas nécessairement les patients qui se tournent vers ces méthodes mais plus souvent qu'on ne le croit, leur famille. "Certains membres de l'entourage peuvent être prosélytes quand il s'agit de traitements parallèles. C'est généralement au moment où les choses s'aggravent pour le malade qu'une réflexion critique intervient : dans quoi ai-je embarqué la personne que j'aime ?". Mais pour accéder à ces méthodes non conventionnelles, l'entourage du malade n'aura pas eu à chercher bien loin : elles sont bien souvent proposées au moyen de prospectus déposés dans les salles d'attente. "La multiplication des sites internet sur ce sujet et le bouche-à-oreille participent également à l' utilisation de plus en plus fréquente de ces méthodes", souligne le psychiatre.
Mais comment repérer les promesses malhonnêtes ? Certains indices peuvent mettre la puce à l'oreille. "Il faut se méfier fortement d'une offre lorsqu'elle promet, à tout cout, la guérison du cancer là où la médecine conventionnelle a l'honnêteté de reconnaître ce qu'elle peut faire et ce qu'elle ne peut pas, met en garde Philippe Jean Parquet. De même le fait de moyenner cette guérison contre une coupure totale du patient avec son entourage doit alerter".
Des méthodes tolérées
De manière générale, la plupart des oncologues n'ont rien contre les médecines non conventionnelles, mais à condition qu'elles restent un complément au traitement classique. Il existe en effet deux types de médecines parallèles, les médecines complémentaires où le malade prend une
thérapeutique en complément de la thérapeutique anticancéreuse classique pour en atténuer les effets ou pour mieux supporter la maladie, et les médecines alternatives utilisées dans un but anticancéreux. La limite entre les deux types de traitement n'est pas toujours très nette.
Le Dr Simon Schraub, professeur Emérite d'oncologie radiothérapie à l'université de Strasbourg, s'intéresse à ces médecines non conventionnelles depuis près de quarante ans. "Si le patient veut prendre de la poudre de perlimpinpin, c'est son choix, tempère l'ancien directeur du Centre Régional de Lutte contre le Cancer de Strasbourg, Paul Strauss. Ce qui importe c'est qu'il poursuive son traitement classique et que l'on se soit assuré de l'absence d'effets secondaires ou d'interactions médicamenteuses".
Si les professionnels redoutent tant l'abandon des thérapies classiques, c'est qu'il revient à confronter le patient au risque de perdre une chance de guérison. C'est en cela que le rôle du médecin généraliste ou du cancérologue "là pour conseiller et conserver la confiance de son malade mais en aucun cas pour interdire", est essentiel. Selon Simon Schraub, "le médecin se doit de s'informer sur les différentes méthodes parallèles et leurs effets secondaires possibles afin d'éclairer son patient sur l'intérêt ou non d'y recourir". En France, la part de malades qui stoppe brutalement leur traitement médical est estimée à un peu moins de 5%.

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