jeudi 31 mars 2011

En Seine-Saint-Denis, le désert médical avance

Victime de sa mauvaise image, de la peur des agressions, de la surcharge de travail, la Seine-Saint-Denis n'attire pas les médecins. C'est là qu'ils sont le moins nombreux en Ile-de-France, alors que le besoin de soins y est très important. "Ma consultation et ma liste d'attente étant particulièrement surchargées, je ne suis plus en mesure de recevoir d'autres patients." Voilà le message du répondeur de l'unique psychiatre libéral de la préfecture, Bobigny, 48 000 habitants. Les spécialistes sont une denrée rare dans certaines zones de Seine-Saint-Denis. Mais c'est aussi le cas des généralistes : selon la caisse de retraite des médecins, il y en a 7,13 pour 10 000 habitants contre 12,32 chez les voisins parisiens. Idem dans le Val-d'Oise, avec 8 généralistes pour 10 000 habitants.

Certaines zones sont désormais qualifiées de "déserts médicaux" et la tendance va s'aggraver : les médecins sont plus âgés qu'ailleurs et ont beaucoup de mal à trouver des remplaçants à leur départ en retraite. À Clichy-sous-Bois, cinq dentistes sont partis entre 2000 et 2009, un seul est arrivé. Pierrefitte-sur-Seine, qui a l'un des plus importants taux de natalité de France, a vu partir sa dernière pédiatre en février. Elle avait subi une agression. La gynécologue, blessée fin février par un homme qui voulait lui voler son sac à main dans son cabinet, a aussi jeté l'éponge. Si ces agressions sont souvent mises en avant, elles ne sont pas la seule explication au manque d'attractivité du département.
Tristes records

"Si je vous dis que vous avez la possibilité de vous installer à Neuilly-sur-Seine ou à Clichy-sous-Bois, qu'allez-vous faire ?" interroge Georges Siavellis, généraliste à Noisy-le-Sec. Pour lui, la première difficulté est "l'image globale du département". "C'est plus difficile d'être médecin en Seine-Saint-Denis", poursuit-il. Il y a une surcharge de travail avec la queue dans le cabinet dès l'ouverture, raconte-t-il. "La population est plus précaire, on s'investit beaucoup sur le côté social", "il y a des difficultés de contact, des barrières linguistiques", "des pathologies lourdes", énumère le médecin.

La Seine-Saint-Denis détient le triste record de la mortalité infantile avec 5,4 cas pour 1 000 naissances, contre 3,6 en France, ainsi que celui de la tuberculose, du diabète... S'y installer devient presque un engagement militant. "Les gens ont encore plus besoin qu'ailleurs des médecins", dit Sabine Guinemer, en deuxième année d'internat et en stage à La Courneuve, dans "une zone précaire". "Nos patients sont des gens attachants, dans le besoin", dit la jeune femme. "La violence ? Oui, on y est confronté", dit-elle. Son pneu a été crevé quatre fois depuis novembre. Mais Sabine Guinemer se voit bien s'installer dans une zone difficile, peut-être en activité mixte, salariée et libérale.

Car les médecins salariés sont assez nombreux dans le département, dans des centres de santé. Sans ces centres, "ça serait la catastrophe sanitaire", selon le docteur Siavellis. La limite : leur coût élevé pour la collectivité. Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) a peut-être trouvé la solution après avoir déploré 32 départs de professionnels de santé pour 9 installations entre 2000 et 2006 : inaugurée en mai, la maison de santé regroupe désormais 17 libéraux. "Nous avons clairement inversé la tendance", se félicite Alexandre Grenier, de la société gestionnaire, Ancilia. Ces projets de maison pluridisciplinaire, pour réunir des libéraux et faciliter leurs conditions de travail, se multiplient. Il en est question à Clichy-sous-Bois, une des villes emblématiques des problèmes de la Seine-Saint-Denis.
http://www.lepoint.fr/societe/en-seine-saint-denis-le-desert-medical-avance-27-03-2011-1311821_23.php

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