Dix ans ont passé sans nouvel incident. « Et puis vers 16-17 ans, nouvelle poussée. J’ai soudain réalisé en faisant la vaisselle que trois de mes doigts n’étaient plus sensibles à la chaleur. » Des examens neurologiques ont alors été réalisés, et la mésaventure rapprochée des antécédents. Le diagnostic a suivi : SEP. Alias sclérose en plaques.
Sur le moment, on ne peut pas dire que ça ait vraiment traumatisé l’adolescente. Sabrina Guillon n’avait pour ainsi dire encore jamais entendu parler de la maladie. Et s’est gardée de se précipiter sur le web. À raison. Sans quoi elle aurait pu paniquer. Cette maladie neurologique chronique se décline en multiples cas de figure, les plus graves s’avérant très invalidants (perte de mobilité des membres, déficience oculaire, de la parole, etc.) « Mais en ce qui me concerne, pour l’instant, mes poussées sont très espacées, et je n’en garde que peu de séquelles. Une vraie chance dans mon malheur… »
Cette jolie jeune femme tout en énergie, aux traits fins et au sourire avenant, tenait néanmoins à témoigner. Autant pour faire connaître cette maladie « qui ne doit pas être réduite à un tabou », que pour prodiguer, aussi, un peu d’espoir.
Elle rêvait de devenir conductrice de travaux
« Comprenez-moi bien : je ne veux surtout pas sous-estimer la souffrance qu’endurent certaines victimes de la SEP, au contraire. Ça peut être un calvaire. Mais s’il m’est donné de dire aux gamins, ou aux jeunes gens qui déclarent une SEP, que tout n’est pas forcément perdu, qu’il y a une vraie possibilité de mener sa vie quand même, alors je veux le tenter. » Surtout en cette période de l’année, alors que le 28 mai est déclaré Journée Mondiale de la sclérose en plaques.Pour Sabrina, aujourd’hui âgée de 26 ans, tout n’a évidemment pas été rose au pays de la SEP. Certes les premières années suivant le diagnostic, son mode de vie s’en est à peine ressenti. Elle ne faisait pas de sport, mais aurait pu en faire. Et les plaisirs de son âge lui restaient parfaitement ouverts. À un gros détail près tout de même… Ado déjà, la jeune Vosgienne (adoptée depuis par Nancy, et plus précisément Houdemont il y a un an), se rêvait conductrice de travaux. Un métier physique et stressant. Compte tenu de ce que l’avenir pouvait lui réserver, Sabrina a dû bifurquer. La voilà vendeuse magasinière en matériel de construction.
« Mais c’est à 20 ans, lorsqu’on m’a imposé pour la première fois un traitement, que j’ai pris conscience de ma maladie. Du moins ça a provoqué plein de questions en moi. Deux mois plus tard, je tombais dans la dépression. » Le rituel des trois injections hebdomadaires l’insupportait, mais six mois plus tard elle émergeait. Et cinq ans plus tard, une alternative en cachet lui était offerte. « Pour moi, ça change tout ».
« La SEP fait partie de moi comme le fait de devoir respirer »
Il y a deux ans, une autre poussée s’est déclenchée. Elle a réalisé un matin ne pas sentir le contact du déodorant qu’elle s’obstinait à s’asperger sous le bras. La maladie n’est pas « bavarde », mais pas définitivement silencieuse, elle le sait. « Et pourtant non, je n’ai pas l’impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus du crâne. La SEP fait partie de moi comme le fait de devoir respirer. Et j’ai cessé de me poser des questions sur l’avenir. Exception faite de mes perspectives professionnelles. »En revanche la jeune femme est prête à répondre à toutes les questions. « Parce que comme beaucoup de maladies, finalement on n’en sait pas grand-chose. Il n’est pas question de parler plus de la SEP que du cancer, bien sûr, ou d’une autre pathologie. Mais même moi qui suis malade, je suis encore déstabilisée à la vue d’une personne en fauteuil roulant. Et ça, ce n’est pas normal. Je milite donc pour la visibilité. » Avec un naturel désarmant. Sans le crier sur tous les toits, il lui arrive d’en faire état impromptu. Sabrina est atteinte d’une SEP, c’est tout. Et c’est déjà beaucoup. Mais on ne la réduira pas à ça.
http://www.estrepublicain.fr/meurthe-et-moselle/2014/05/26/une-sclerose-pas-un-tabou
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