dimanche 19 janvier 2014

Auch. Radiée, l'ancienne médecin généraliste se confie

Marie-Noëlle Rives a exercé pendant près de 30 ans à Auch. Mais en 2012, l’Ordre des médecins la radie de ses tableaux. Dans un livre qui vient de paraître(1), «Le conseil du désordre», elle raconte son «épreuve».
Malgré un titre évocateur, Marie-Noëlle Rives, 58 ans, revient sur les anecdotes qui ont émaillé ses années de pratique, sur les conflits qui l’ont opposé à la Sécurité sociale ou à l’Ordre des médecins et sur sa «nouvelle vie» comme naturopathe.
Dans quel contexte avez-vous commencé à exercer à Auch ?
En 1982, je suis arrivée à Auch en tant qu’interne des hôpitaux après avoir effectué mes études à Toulouse. J’ai choisi Auch pour sa proximité avec Toulouse. Je pensais y rester un an. Et 30 ans plus tard j’y suis toujours. Je me suis vraiment attachée à ce territoire.
Donc tout ce passe bien pour vous jusqu’en 2005 où… (elle coupe)
Ah non, dès le début j’ai rencontré des soucis. J’ai un profil qui est peu commun dans le milieu médical. Je me suis très vite diversifiée en pratiquant l’homéopathie ou la mésothérapie (2). La Sécurité sociale m’a alors prise en grippe. Elle considérait que la mésothérapie n’était pas un acte médical donc qu’il ne devait pas être remboursé. En 2000, déjà, on m’a interdit de pratiquer pendant 5 mois.
En 2005, la douane vous place en garde à vue. Pour quelles raisons ?
En 2001, un laboratoire sort un nouveau médicament qui permet de modérer l’appétit. J’ai donc prescrit ce médicament doté d’une bonne tolérance et d’une efficacité intéressante. Mais fin 2002, seuls les endocrinologues peuvent prescrire ces médicaments. Des patientes sont alors venues me voir en pleurs en me disant : «Je me sens regrossir. Faites quelque chose pour moi !». Elles n’avaient plus accès à ce médicament et étaient prises d’une panique psychologique. J’ai alors eu l’idée d’acheter ce médicament en Espagne pour en faire profiter mes patientes. La douane me reprochait l’importation de marchandise prohibée.
Comment a-t-elle découvert le pot aux roses ?
J’avais licencié la secrétaire de mon cabinet médical car elle ne me donnait pas du tout satisfaction. En retour, elle avait promis de se venger. Elle a écrit à l’Ordre des médecins ou encore aux services douaniers pour dénoncer mes pratiques. Mais je n’avais rien à cacher, je n’administrais pas ce médicament de manière occulte. La douane a épluché mes comptes et a pu vérifier que je ne me suis pas enrichie sur le dos de ces patientes.
Suite à cette garde à vue, vous avez été interdite d’exercer ?
Non. Au bout de 6 mois, je n’avais pas de nouvelle. Je me suis dit que cette affaire avait dû être classée. Mais en janvier 2009, j’ai été convoquée devant le tribunal. Ce fut une épreuve très difficile à vivre. J’ai été condamnée à un an d’interdiction de pratiquer. J’ai décidé de faire appel. Et en seconde instance, j’ai écopé de 8 mois.
Après ce délai imposé par la justice, vous avez repris votre travail ?
Oui mais pas longtemps. Quelques jours après avoir rouvert mon cabinet, je reçois une lettre de l’Ordre des médecins me signifiant ma radiation. J’ai fait appel de cette décision mais en février 2012, j’ai eu confirmation de la radiation.
Comment réagissez-vous ?
Sur le coup, j’ai eu l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds. J’ai pourtant reconnu avoir fait une bêtise et j’ai payé pour cette erreur. En apprenant mon désarroi, quelques-uns de mes patients se sont constitués en association pour me soutenir. Cette solidarité m’a permis de franchir ces épreuves.
Vous êtes aujourd’hui naturopathe. Comment envisagez-vous l’avenir ?
Dans un an, j’ai le droit de demander à être réintégré au tableau de l’Ordre des médecins. Je vais faire les démarches dans ce sens pour pouvoir exercer à nouveau comme médecin.
(1) «Le conseil du désordre», de Marie-Noëlle Rives, aux éditions La Bruyère.
(2) La mésothérapie est basée sur l’administration à l’aide d’une aiguille de doses faibles de médicaments à l’endroit où le trouble ou la douleur sont ressentis

http://www.ladepeche.fr/article/2014/01/19/1798088-auch-radiee-l-ancienne-medecin-generaliste-auscitaine-se-confie.html

Aucun commentaire: