vendredi 22 décembre 2017

Lyme non dépistée : il s’est vu « mourir »

Son récit a beau ressembler à une lente descente vers les abîmes, il le livre avec un sourire accueillant. « J’ai pensé mourir, je relativise beaucoup les choses désormais », affirme le Mosellan de 36 ans. Il vient d’en passer dix à lutter pour sa survie. « C’était d’abord des maux intestinaux. Puis, on m’a parlé d’une hernie. Puis, on me soigne pour une sclérose en plaques. » Il a fallu aller à l’étranger pour enfin connaître sa maladie.
Les premiers problèmes de santé apparaissent en juin 2006, au moment de son mariage. Il est touché par une grosse fatigue et de la fièvre. « J’étais en sueur les nuits. » Au retour des noces, il consulte un médecin qui le traite pour le ventre. Un matin, il ne parvient pas à lever la jambe pour franchir une petite haie. Il part à l’hôpital de Thionville et voit un neurologue. « J’ai commencé à flipper. »
Au début de l’année 2007, « j’étais à plat. Mais aucun médecin ne savait me dire ce que j’avais. » Son corps le lâche progressivement et c’est tout qui s’écroule. La société de terrassement tenue avec son frère doit arrêter son activité. Leur nouvelle entreprise de vente de pneus finit aussi par fermer. « Je restais derrière le bureau mais j’étais une larve, un zombie. »
En 2012, un médecin pose un autre diagnostic : « Elle me demande si j’ai été piqué par une tique. J’avais effectivement été piqué en 2006. J’ai vraiment pensé que c’était ça. » On l’envoie réaliser une prise de sang et passer le test Elisa. Le retour est négatif. « J’étais effondré. J’ai alors imaginé que tout venait de moi, que c’était uniquement dans ma tête. » Un nouvel événement le ramène à sa réalité : « Mon frère me demande, en 2014, de l’aider à déménager. J’avais peu de forces mais je voulais faire quelque chose. » Il est retrouvé par sa famille, effondré sur le sol. Direction le CHR de Mercy. « Sans IRM, sans rien, un interne m’annonce que je souffre de sclérose en plaques. » Sa femme l’abandonne dans un fauteuil roulant, à l’hôpital. « Je reviens vivre chez mes parents. Je n’ai plus de vie sociale. » Il est traité par chimiothérapie et avale de l’Endoxan. Puis des corticoïdes. Ses proches le voient décliner. Encore. Sa sœur imagine le pire et lui fait stopper la chimio en mars 2015. « J’ai senti qu’il était temps », soupire la jeune femme.
C’est par hasard que le Lorrain va entrevoir la lumière. Pour le soigner contre une grippe, son frère lui donne de l’Amoxicilline. « Cela m’a provoqué une grosse réaction. En regardant sur le net, on parlait de la maladie de Lyme. » Cette fois, il consulte un médecin luxembourgeois qui « me dit qu’il y a un problème de dépistage en France. Il m’envoie en Allemagne. On fait d’autres tests. » Tout s’éclaire. Depuis quelques mois, il est sous antibiotiques.
« Je vais tout doucement mieux, assure-t-il en se levant pour montrer ses progrès. Mais la route est longue. Je suis travailleur handicapé maintenant. Mon histoire doit servir. Le dépistage est défaillant en France (lire par ailleurs). C’est criminel de laisser la situation ainsi. Il faut le savoir et que ça change. »

Des actions judiciaires lancées

Le collectif Lymaction, qui regroupe 300 malades, vient d’annoncer une procédure pénale contre certaines autorités. Le patient Mosellan prépare, avec son avocat messin, Me Olivier Corbras, plusieurs actions également. Une plainte pénale pour mise en danger délibéré d’autrui est déjà prête. « Les plus hautes autorités sanitaires connaissent l’inefficacité ou les doutes qui entourent le protocole de dépistage de la maladie de Lyme et pourtant, on continue comme ça. L’histoire de mon client, que j’ai vu décliner de façon rapide, prouve à quel point les conséquences peuvent être dramatiques, expose l’avocat. Il va falloir faire le tri entre les erreurs de diagnostic qui l’ont touché et exposé. C’est bien beau de ne passer que par le test Elisa, sujet à caution, mais si, à cause de cela, on se retrouve à être traité par chimio pour une sclérose en plaques au lieu d’être soigné pour la maladie de Lyme, c’est extrêmement choquant. À travers ce dossier, on peut craindre que de nombreux malades s’ignorent, c’est grave. »
En parallèle, une action civile va être engagée. « On va chiffrer le préjudice. Il est énorme, tant sur plan corporel que sur le plan économique. À cause de mauvais diagnostics, il a tout perdu. Cela mérite réparation. »

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